Debout l’Europe! Oui, mais attention de ne pas retomber dans un fédéralisme bisounours peu mobilisateur
Il faut bien évidemment se réjouir de la fin de la timidité du camp fédéraliste et ce livre signé Verhofstadt et Cohn-Bendit est plus que bienvenu. Il symbolise en quelque sorte la fin de l’autocensure du mouvement fédéraliste européen, autocensure qui dure depuis pratiquement 1999.
C’est donc avec joie que j’ai pu enfin acheter et lire ce livre lors de mon passage à Paris. Hélas, je dois avouer que je n’en sors pas super enchanté. Heureusement l’entretien avec Jean Quatremer qui suit le court Manifeste pour une révolution postnationale en Europe est bien meilleur, mais on aurait apprécié que nos deux amis puissent être aussi bons lorsqu’ils sont seuls devant leur copie. Je viens donc ici donner mon grain de sel, car ce livre se veut clairement le point de départ de la campagne des Européennes du camp fédéraliste auquel j’appartiens, et nous nous devons de faire beaucoup mieux que la dernière fois…
Ce court texte de 65 pages critique avec raison l’Europe intergouvernementale mais aurait gagné à être plus précis dans ses attaques au lieu de se perdre rapidement dans un fourre-tout d’idées généreuses européanistes bien trop générales pour faire mouche. Ce n’est pas un retour au fédéralisme pacifiste, multiculturel, écolo et antinational qui va nous débarrasser de l’Euroscepticisme. Que l’on ne s’y trompe pas, personnellement je dépéris très vite si je ne peux m’enrichir de la diversité des cultures et je suis un écolo convaincu, mais là n’est pas la question. Les Européens sont depuis plus de deux ans dans une crise noire, et au lieu de leur livrer ce que j’appelle de façon provocatrice un fédéralisme bisounours, on ferait mieux de leur expliquer précisément pourquoi et comment l’Europe actuelle a complétement failli, et quels sont les problèmes précis qu’ils faut adresser et comment. Quatremer, qui est moins conciliant avec nos deux missionnaires, les ramènent efficacement vers des propos plus utiles. Et de fait les incantations trop générales, non structurées, appelant à une révolution fédérale immédiate et globale, me semblent dangereuses car contreproductives.
Rappelons-nous que l’Euroscepticisme est né à la fin des années 90s du ras-le-bol face à un fédéralisme souriant, pour ne pas dire béat, qui entendait créer une Europe supranationale omniprésente et omnipotente, bien trop abstraite, voire artificielle, bien trop éloignée des préoccupations des citoyens. Même si je suis un farouche ennemi de l’Europe intergouvernementale née du sommet de Nice, je n’oublie pas nos erreurs passées, et sais même gré à cette réaction antifédéraliste de la fin des années 90 de nous avoir livré deux concepts fort utiles pour nous libérer des excès du fédéralisme bisounours: le principe de la proportionnalité du pouvoir européen (le pouvoir européen ne doit pas être disproportionné par rapport à la tâche à accomplir) et le principe de subsidiarité (l’Europe doit se limiter aux tâches qui ne peuvent pas être traitées au niveau national). Et la fougue fédérale de nos deux compères met l’Europe à tellement de sauces qu’ils donnent l’impression de quelque peu oublier ces deux principes vitaux si l’on veut que l’Europe soit.
J’oserai même dire que ce n’est pas tant les nations qui ont failli mais les États qui prétendent les porter. Il me semble également bien plus adroit de traiter de la faillite de l’inter-gouvernementalisme plutôt que de s’attaquer à la difficile question de l’identité nationale, qui pour ma part je résoudrais volontiers par la définition d’une identité européenne, un peu trop légèrement traitée par nos deux auteurs.
Je me méfie toujours des incantations, et préfère les rendez-vous sur objectifs, c’est l’approche que j’avais suivie dans m a Crise européenne, analyse d’un indigné européen, et c’est je pense l’approche que devrait prendre les fédéralistes pour gagner les futures élections européennes. Pédagogie, réalisme et responsabilité.
Valeurs européennes, oui bien sûr et comment! Mais méfions-nous des simples incantations qui lasseront, et ne porteront pas. Les incantation généreuses et verbeuses nous ramènent que trop à cette Europe des déclarations sans lendemain, une Europe de la Comm, tout aussi coupable que l’Europe intergouvernementale.
Responsabilité et conséquence.
Laurent C.
Pekin
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